L'Antre de Chrysalid
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Des Terres du Milieu à Golarion en passant par l'Ultime Frontière ou une Galaxie très lointaine, voici les chroniques d'une table de rôlistes dont les aventures ne s'arrêtent jamais...
 
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 [Cthulhu Chroniques 1912-1916] Découverte du mythe

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Chrysalid
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Chrysalid


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[Cthulhu Chroniques 1912-1916] Découverte du mythe Empty
MessageSujet: [Cthulhu Chroniques 1912-1916] Découverte du mythe   [Cthulhu Chroniques 1912-1916] Découverte du mythe EmptyLun 26 Oct 2020 - 11:57

Horreur sur le Titanic
Maîtrisé par Charlène (05/09/20 - 11/09/20 - 15/09/20)
Calvin Bradstone et Amélya Evans – R.M.S. Titanic, Avril 1912


C’était le printemps 1912, l’année de mes 18 ans. Après avoir passé 6 ans dans une école londonienne aux frais de Monsieur Dumont, dont j’espérais avoir été digne, j’avais acquis diplômes universitaires et félicitations de mes professeurs. Le retour à la maison en 1911, auprès de mes grands-parents, avait été plutôt calme et je cherchais une activité pouvant me permettre de rentrer un salaire. Néanmoins, peu à peu, j’avais fait comprendre à mes tuteurs que je souhaitais, un jour futur, me rendre en Amérique pour tenter, moi aussi, le rêve américain. Bien entendu, l’enseignement que j’avais reçu de mes professeurs n’était pas étranger à cette décision. Mon grand-père n’avait évidemment pas bien réagi à cette nouvelle.
Cependant, il se passa un évènement auquel je ne m’attendais pas : un beau jour d’avril 1912, tandis que croisais M. Brooke dans sa sandwicherie (une situation qu’il devait, lui aussi, à monsieur Dumont), celui-ci m’avoua que le célèbre Sherlock Holmes venait de quitter sa retraite. En effet, une rumeur prétendait qu’il devait prendre un paquebot en partance pour les U.S.A. Evidemment, j’y vis là un signe du destin : moi aussi, je prendrais ce navire !

De fait, le mercredi 10 avril, je m’étais rendu à Southampton dont les quais étaient bondés. Tous les journaux avaient présenté ce nouveau vaisseau, le R.M.S. TITANIC, que l’on disait immense et insubmersible, et il ne semblait pas démériter sa réputation. Hélas, étant sans le sou, je me trouvais une place à bord en tant que cireur de chaussures. Mais ce travail n’aurait rien à voir avec ce que je faisais étant petit. En effet, je porterais un prestigieux uniforme et pourrais approcher les hommes les plus riches du pays, pour peu que cela ait de l’intérêt…

De longues heures durant, je vis d’interminables files de badauds embarquer grâce aux trois pontons (réservés aux trois classes de passagers afin qu’ils ne se mélangent pas, je supposais). Peu après le départ à 11h30, je pris mon service et eut très vite beaucoup de travail. En effet, tous les hommes du navire souhaitaient être irréprochables lors du premier repas, aussi n’eus-je pas à me plaindre d’inactivité. En plus de cela, j’eus à me rendre directement dans certaines cabines pour y exercer ma tâche, dont celle de Monsieur Georges Widerner, un célèbre milliardaire, à 15h00. Mon second rendez-vous à 16h30 en cabine B36 fut des plus surprenant, car j’y rencontrais monsieur Stephen Blackwell, qui avait été mon professeur d’histoire des religions durant un trimestre, un sujet que j’avais trouvé curieusement assez motivant, surtout quand il était question d’extrémisme et de sectes. Ayant particulièrement brillé dans cette discipline, M. Blackwell me reconnut rapidement, et nous échangeâmes sur les routes qui nous avaient menés tous deux sur ce paquebot.

Le soir même, après que le navire eut quitté sa première escale, Cherbourg, je fus à nouveau convoqué chez mon ancien professeur : celui-ci était en présence d’un officier en uniforme et tous deux discutaient d’un air concerné. Très vite, l’officier nous quitta en me jetant un regard contrarié : « À présent, vous êtes à son service » me dit-il simplement avant de disparaître. Monsieur Blackwell m’apprit qu’il venait de me débaucher, je serais désormais son secrétaire particulier, et n’aurais plus à cirer de chaussures (à part peut-être les siennes pensais-je intérieurement). À ma grande surprise, il me confia l’un de ses propres costumes car je n’en possédais pas moi-même et me donna rendez-vous le soir-même pour le souper. Avais-je déjà connu situation plus inattendue ? En outre, je serais désormais un passager et non plus un membre d’équipage, toutes mes affaires seraient donc transférées en cabine B34.

Peu après, je le retrouvais donc pour le repas du soir, et nous fûmes installés avec différents individus dont monsieur Georges Brayton, rentier américain, ainsi que le major Butt Archibald que je trouvais plutôt raide. Et mes yeux se posèrent que la jeune Amélya Evans, une pure beauté qui mit tous mes sens en émoi. Toute la soirée durant, je ne pus cacher la basse condition qui m’avait vu naître car j’ignorais comment me comporter en pareille compagnie. Et la présence d’une jeune fille de mon âge ne m’apporta aucun réconfort, car elle était elle-même le fruit de la haute société. Néanmoins, je limitais les dégâts en demeurant silencieux, préférant écouter les conversations que d’y participer. En parallèle, je ne cessais d’observer autour de moi si je pouvais apercevoir la silhouette de monsieur Holmes que je savais à bord. Autour de moi, je remarquais surtout que Miss Evans connaissait monsieur Blackwell car tous deux échangeaient sur ses parutions qu’elle avait manifestement dévoré…

Le lendemain, jeudi 11 avril en fin de matinée, alors que le Titanic quittait Queenstown, sa seconde escale, je fus convoqué par Monsieur Blackwell dans sa cabine. Avec son air sérieux, derrière ses petites lunettes et ses grosses moustaches recourbées, il m’expliqua que sa vie était en danger et qu’il était décidé à passer le reste du voyage dans sa cabine afin de ne pas s’exposer. Et il avait besoin de moi en tant que coursier, essentiellement aux heures des repas. Pendant qu’il me parlait, je ne pouvais m’empêcher de remarquer la présence d’une étrange statue derrière lui, posée innocemment sur une table basse. Ses formes chaotiques attirèrent mon regard. Je pouvais deviner une forme vaguement humanoïde surmontée par une paire d’ailes, mais le visage était un amalgame de tentacules. En outre, divers symboles inconnus étaient gravés sur sa base. J’ignore comment, mais cette vision me donna mal au crâne au point que monsieur Blackwell finit par s’en rendre compte. Aussitôt, il rangea l’objet. Il me rappela alors les cours théologiques qu’il nous avait donné à l’école, et me raconta d’étranges récits sur l’origine du monde, mais ces histoires, ces légendes plutôt, remontaient à plus de 50 millions d’années, et impliquaient des géants venus du fond des étoiles — cette statuette représentait l’un d’entre eux. J’admets que ces récits fantastiques me semblaient plus proches de certaines histoires que j’avais lues dans le Strand Magazine, mais Monsieur Blackwell paraissait très sérieux. Je lui demandais alors comment des histoires si anciennes avaient bien pu survivre jusqu’à ce jour, il me raconta lors que des cultes existaient encore aujourd’hui en leurs noms.

Le soir venu, je retrouvais la jolie Miss Evans à table aux côtés de monsieur Brayton qui ne cessait de lui faire des avances, mais cette fois-ci, nous fûmes accompagnés par monsieur William Thomas Stead, une sorte de médium. Très vite, les deux places laissées vacantes furent occupées par messieurs Sherlock Holmes et John H. Watson, dont mon professeur s’était arrangé pour qu’ils fussent à mes côtés ce soir même. Je ne pouvais m’empêcher de raconter au grand détective que j’avais brièvement travaillé pour lui aux côtés de Wiggins lors de sa dernière année à Baker Street — il comprit très vite que j’étais son plus grand admirateur.
La suite du repas s’orienta autour de l’activité de monsieur Stead qui nous parla de son talent. En outre, il nous proposa de le suivre dans un petit salon, plus tard, pour une séance de spiritisme. Amusé, monsieur Holmes nous quitta, et je ne doutais pas qu’il avait fort à faire, mais le docteur Watson se prêta bien volontiers à l’expérience.
Peu après, nous nous retrouvâmes tous autour d’une table d’un petit salon privé, à nous tenir les mains, Miss Evans, moi-même, monsieur Brayton, le docteur Watson et monsieur Stead. Nous fermâmes les yeux et au bout de quelques instants, je perçus quelques flashs qui m’éblouirent malgré mes paupières fermées. À travers ces éclairs de lumière, je devinais des formes qui, peu à peu, flash après flash, se précisèrent. C’était humanoïde mais pas humain. Une large bouche de batracien, des yeux globuleux, une forme trapue, une peau suintante… je repris mes esprits en sueur et remarquais que mes voisins de tables avaient tous l’air accablés de fatigue. Monsieur Brayton fut le premier à nous quitter, manifestement bouleversé par ce qu’il avait vu, et monsieur Stead partit à son tour, manifestement terrassé par une grande fatigue. Nous nous retrouvâmes seuls, Miss Evans, le docteur Watson et moi-même, pour échanger sur nos expériences respectives. Je découvrais que j’étais le seul à avoir vu ces « créatures », à défaut de meilleur terme. Mes compagnons me parlèrent d’eau, de sensation de froid, de noyade. Étais-je le seul à faire le rapprochement entre ces visions et la mienne ? Une sorte de batracien, de l’eau, du froid…

Miss Evans et moi-même nous rendîmes au Café Parisien attenant au restaurant pour se ressourcer autour d’un thé. Mais l’état de choc demeurait. Évidemment, la nuit qui suivit fut agitée, et je trouvais difficilement le sommeil.

Vendredi 12 avril, dès ma première rencontre avec monsieur Blackwell, je lui fis part de mon expérience. L’évocation des « créatures » sembla l’effrayer, et il me parla alors des « adeptes », aussi appelés « profonds », ces membres de sectes dont il m’avait parlé la veille. Ils avaient effectivement cet aspect et le fait de les avoir aperçu au cours d’une séance de spiritisme était très mauvais signe. Oui, c’est bien eux qui le poursuivaient depuis qu’il était entré en possession de la statuette en 1910. Il me conseilla vivement de trouver une arme, car il ne doutait pas qu’il serait nécessaire de se défendre dans des délais très brefs.

Catastrophé, j’errais ensuite dans les coursives du navire lorsque je tombais sur Amélya. Elle avait participé à la même séances de spiritisme que moi, aussi j’estimais devoir l’informer de tous ces faits effrayants. Je lui parlais alor des cultes innommables, des sectes de batraciens et de la statuette qui mettait monsieur Blackwell en danger. Du moins lui avouais-je les maigres détails que je connaissais. Elle eut beaucoup de mal à intégrer tout cela. Ces histoires semblaient issues d’un esprit malade doté d’une imagination sans bornes.

Le soir, à 17h00, nous retournions chez monsieur Blackwell sur son invitation. Il comprit alors que j’avais tout raconté à Amélya et me le reprocha. Mais le mal étant fait, il confirma mes dires à la jeune femme terrorisée. Enfin, la question de savoir où trouver une arme s’imposa comme une urgence, car une attaque des créatures pourrait survenir n’importe quand…

***

Vendredi soir, j’eus la chance de passer le repas aux côtés de Georges Widener qui ne sembla pas me reconnaître, de Benjamin Guggenheim, probablement l’un des hommes les plus riches du navire, et de sa jeune maîtresse Léontine Aubart, deux fois plus jeune que lui. Curieusement, Monsieur Widener sembla s’intéresser de près à mon cas, et nous eûmes une conversation sur mes origines modestes que je ne pouvais hélas nier, et sur le rêve américain que, modestement, je caressais. J’eus aussi la compagnie de M. Isidor Strauss, un homme politique manifestement, ainsi que monsieur Brayton que je connaissais déjà. De son côté, je repérais Amélya avec sa cousine Victoria que je ne connaissais que de vue, installées à la table du Capitaine Smith, et en grande conversation avec la fameuse Molly Brown, une femme de modeste condition que le commerce de son mari avait rendue riche.

Après le repas, M. Brayton me convia à une partie de carte dans le fumoir. Plus intrigué qu’autre chose, j’acceptais de me prêter au jeu. Hélas, malgré mes connaissances en la matière, je me fis proprement déplumer de ma maigre fortune. Évidemment, je quittais la table peu après et laissais les vrais riches jouer entre eux.

Le lendemain, samedi 13 avril, je passais ma matinée à visiter le navire en espérant trouver une piste pour mettre la main sur une arme, en vain. De son côté, Amélya essaya de retrouver la sérénité à travers peintures et dessins, des choses que je ne comprenais guère. Mais sa tentative fut aussi vaine que la mienne. Elle et moi nous retrouvâmes pour le thé, et nous mîmes une stratégie au point : Monsieur Brayton semblait un homme débrouillard, mais aussi un peu lâche et peu digne de confiance. À n’en pas douter, il possédait de quoi se défendre. Si nous devions mettre la main sur une arme, il nous la fournirait de gré ou de force.

Au repas du soir, Amélya et moi-même dînâmes aux côtés de la Comptesse de Rothes, une jeune écossaise de caractère, et de sa cousine/chaperonne Gladys (le parallèle avec la situation d’Amélya ne manqua pas de me faire sourire).

De fait, le soir même, je retournais dans le fumoir sur le Pont A où j’y côtoyais de nombreux hommes que j’avais déjà approchés de près ou de loin au cours de ces derniers jours. Sur le moment, je n’en avais pas conscience, mais aucun d’entre eux ne survivrait à ce voyage. La mort rôdait dans la pièce et je ne la voyais pas.
Pendant un bon moment, je restais au bar à observer autour de moi. Comme tous les soirs, une partie de cartes avait lieu, que j’objservais du coin de l’oeil. Au bout d’un moment, je finis par me rendre compte que Georges Brayton gagnait souvent, et d’après ce que je pouvais voir, pas toujours honnêtement. Avais-je affaire à un joueur professionnel ou à un tricheur efficace ?
Un peu plus tard, je parvins à obtenir une entrevue avec lui. Je lui exposais les arguments que m’avait avancé M. Guggenheim la veille, et lui demandais des conseils pour réussir en Amérique. Durant un long moment, j’espérais le faire boire en le faisant parler de sa vie. Puis, peu à peu, j’étais à court d’arguments, et il finit par s’en rendre compte. Il finit par me demander ce que je voulais vraiment. Alors je jouais carte sur table et je lui racontais à demi-mots que le navire — et ses passagers évidemment — étaient en grand danger. J’avais mené mon enquête et je savais que sous peu, nous serions tous soumis à une catastrophe ou une attaque, un évènement grave du moins, dont je n’avais pas eu les détails. Je savais une chose cependant, nous aurions à nous défendre, et je pensais fortement qu’un homme puissant et débrouillard comme lui devait avoir les moyens pour cela. Au début amusé par la maladresse de ma requête, il finit par me prendre un peu plus au sérieux. Finalement, il accepta de me venir en aide « pour l’aventure ». Je m’avouais surpris par cette motivation que je trouvais peu sérieuse. Mais si je voulais son aide, je devrais le retrouver le moment venu.

N’ayant guère le choix, j’acceptais de procéder ainsi.

Dimanche arriva, le 14 avril de triste mémoire. À midi, je retrouvais mes acolytes Amélya Evans et Georges Brayton, pour discuter de l’affaire. Au cours de cette entrevue, je découvris qu’Amélya n’avait pas été tout à fait franche jusque là. En effet, la jeune fille semblait en proie à des visions, des prémonitions, un peu comme ce que nous avions vécu au cours de la séance de spiritisme de M. Stead 3 jours plus tôt. Plutôt incrédule, je l’entendis nous annoncer que les évènements allaient se précipiter ce jour. De son côté, M. Brayton accueillit ces nouvelles sans ciller. Il réitéra sa proposition : le moment venu, je devrais me présenter à lui et il m’apporterait son aide.

Affolé par les prévisions d’Amélya, je restais toute l’après-midi avec M. Blackwell, tantôt avec lui pour échanger au sujet des étranges cultistes liés à cette statuette et à leurs dieux impies, tantôt pour surveiller les coursives alentours et monter la garde. Évidemment, je dus le quitter pour m’occuper de commander son repas, mais à mon retour à la cabine B36, mon sang se figea lorsque je la retrouvais ouverte. Paniqué, j’entrais rapidement et découvris que les lieux avaient été mis sens-dessus-dessous. Bien entendu, M. Blackwell avait disparu, de même que son carnet de notes et l’horrible statuette. J’allais prévenir M. Brayton et Miss Evans que « ça avait commencé », quoi que ce fut. Puis je revins à la cabine pour y mener une enquête rapide. Sans surprise, je trouvais des traces de sang. Mes fouilles me permirent de mettre la main sur une sorte de passe. D’où cela venait-il et pourquoi M. Blackwell possédait-il un tel objet ? Quoiqu’il en soit je commençais à arpenter les coursives pour localiser les taches de sang. Lentement, je traversais diverses cages d’escalier pour descendre vers le pont C, puis D, puis E… Et là les traces disparurent. Fort heureusement, M. Brayton repéra le passe dans ma main et me demanda où j’avais trouvé cela. Lui savait de quoi il s’agissait : c’était la clé d’accès à la mail room, une zone de stockage du pont G. Sans attendre, nous nous enfonçâmes dans les entrailles du géant.

J’avoue, encore aujourd’hui, que j’ignore comment une telle chose fut possible. À peine entrés dans la pièce surchargée de colis, de caisses et autres valises en tous genres, nous fûmes trous frappés par une scène d’une horreur peu commune : M. Blackwell était bel et bien là, plaqué contre une paroi, entouré par un groupe de 8 hommes et femmes psalmodiant des paroles étranges (les mots « Cthulhu Fhtagn » revenaient à plusieurs reprises)… du moins fusse l’impression que nous eûmes en arrivant. Mais lorsque ceux-ci tournèrent leurs faciès dans notre direction, nous pûmes voir qu’ils avaient un visage horriblement déformé. Une bouche large, des yeux proprement inhumains et une peau luisante, ils semblaient tenir plus du poisson que de l’homo sapiens. Celui qui semblait être le chef était encore plus horrible que les autres. Je me sentis basculer dans un autre monde, mais repris pied lorsque Brayton me tendit un petit revolver. Sans délai, lui et moi commençâmes à tirer vers les créatures alors même que celles-ci chargèrent vers nous.
Le combat qui s’ensuivit fut empli de rage, de sang et de folie. Balle après balle, nous réussîmes à faire tomber un être, puis un autre. Je concentrais mes tirs sur le chef, resté auprès de M. Blackwell. Lorsque les monstres nous tombèrent dessus, Amélya se défendit comme elle le put, et fut la première surprise de l’efficacité de ses coups de pieds, et des blessures qu’il était possible d’infliger avec un talon aiguille. Ma dernière balle acheva le grand prêtre. Hélas, loin d’être désorganisés par sa chute, ils poursuivirent leur œuvre. Pour sauver M. Blackwell, je dus qutter mes compagnons pour faire rempart de mon corps. Hélas, je n’étais guère entraîné pour le combat au corps à corps. Un cri de côté attira mon attention : un trident de métal venait de lui traverser le corps. Il tomba sans vie au sol. Amélya fit preuve d’un grand courage car elle attrapa son arme et me la lança, ce qui me permit de terrasser l’un de mes adversaires.

À ce moment du combat, je l’appris plus tard, il sembla se produire quelque chose dont je n’eus aucunement conscience. Amélya me raporta par la suite qu’elle me vit attraper un sac de lettres pour l’envoyer à la tête de mon dernier opposant, tandis qu’il levait son poignard sacrificiel vers mon ancien professeur. Et soudain, une violente secousse ébranla le navire ! La paroi explosa et une vague d’eau de mer s’engouffra dans la pièce ! Dans un mouvement de panique, j’attrapais Blackwell par le col et nous quitâmes tous les lieux, nous trois par la porte, nos adversaires par la brèche. Poursuivis par les vagues incessantes, nous remontâmes les ponts l’un après l’autre, lorsqu’une pensée traversa l’esprit de la jeune fille, qui la ramena à la réalité : la statuette !

Amélya émergea brusquement de sa vision ; elle était toujours dans la mail room, face à l’une de ces créatures effrayantes. Moi-même faisait toujours rempart de mon corps entre Blackwell et le dernier cultiste, et le navire n’avait pas encore percuté ce que j’appris plus tard être un iceberg. Elle prit conscience instantanément que sa vision se réaliserait d’ici quelques secondes…

***

Au moment où j’allais attraper un gros sac de lettres pour le lancer à la tête de mon adversaire, j’entendis la voix d’Amélya, depuis l’autre bout de la pièce, qui me cria : «M. Bradstone, attrapez la statuette et courez, ne restez pas là, sortez MAINTENANT !». La statuette ? Dans la précipitation, j’admets ne plus y avoir pensé. Le sac que le prêtre cultiste avait lâché en succombant traînait à mes pieds, entr’ouvert ; j’aperçus l’objet tant convoité. Hélas, il m’était hors de question de quitter les lieux sans M. Blackwell, encore attaché aux canalisations murales. Mais l’une des créatures ne me lâchait pas et je devais déployer toutes mes ressources pour éviter ses coups de griffes terribles. Lorsque j’en vis une seconde émerger, je compris que j’étais fini. Aussi j’attrapais le sac et l’envoyais à travers la pièce en criant à Amélya : «Attrapez le sac et fuyez loin d’ici !». Hélas, gêné par les horribles batraciens, je le lançais dans une mauvaise direction — je crois qu’il finit par atterrir sous une voiture garée entre les caisses. Alors l’un de mes adversaires m’attrapa par derrière et m’enserra les bras avec une puissance que je n’aurais soupçonnée. En désespoir de cause, je lui donnais un violent coup de tête en arrière… qui sembla faire trembler tout le navire ! Ce choc inattendu me redonna l’espoir de quitter les lieux vivant. Alors que la créature tombait sur le dos, le visage en sang, je vis la coque extérieure du Titanic se déchirer littéralement sous mes yeux, alors même que des flots d’eau glacée s’engouffrèrent à une vitesse folle. Pris de panique, je quittais la pièce avec le Pr Blackwell sur l’épaule ; les deux dernières créatures s’enfuirent par la brèche, et nous rejoignîmes Amélya dans la coursive où elle nous attendait. En quittant les lieux, c’est à peine si je remarquais le corps d’un cultiste, son propre trident planté dans le torse.

Il nous fallut un certain temps pour nous repérer dans le bâtiment, et j’admets qu’il fut ardu de nous orienter. Fort heureusement, Amélya semblait savoir ce qu’elle faisait. Nous avons traversé la chaufferie en transportant le Pr Blackwell à deux, dans laquelle je reçus une lampe sur l’épaule — autour de nous, tout était en train de tomber. Puis nous avons fini par remonter jusqu’au pont F, ce qui a nécessité d’enfoncer une porte. Nous n’avons manqué de paniquer à plusieurs reprises lorsque nous sommes tombés sur des grilles qui avaient été manifestement fermées intentionnellement. C’est à peu près à ce moment-là que j’ai pris conscience que nous penchions. En effet, le niveau de l’eau n’était pas parallèle avec les lignes du navire. Il devenait de plus en plus évident que le splendide insubmersible était sur le point de connaître un destin funeste. Et nous devions agir en hâte si nous ne voulions pas connaître le même sort.
Une coursive plus loin, Amélya dut faire preuve de persuasion pour calmer une femme hystérique, suivie de ses 3 enfants, qui se jeta sur nous, en proie à la folie. Finalement, accompagnés de tout ce petit groupe, nous cherchâmes une cage d’escaliers ouverte et arrivâmes au pont E. De là, il fut aisé de remonter jusqu’à la surface. Mais nous n’y trouvâmes que chaos et désordre. Il était minuit passé, et la foule s’éparpillait en tous sens. L’avant du navire avait disparu sous les flots alors que des amas de passagers terrifiés s’agglutinaient autour des canots de sauvetage. Nous n’attendîmes pas notre tour, et je tentais de me fondre dans une masse humaine en criant devant moi que mon compagnon était blessé. Mon intention première était d’installer le Pr Blackwell et Amélya sur un canot — mais l’Officier Murdoch ne me laissa guère le choix. Il m’empoigna le bras et me jeta littéralement sur le bateau de sauvetage. Je sentis mes entrailles se nouer lorsque je vis Miss Evans disparaître entre les badauds, écrasée entre les passagers rendus fous par l’horreur de la situation, mais par chance, le stewart finit par l’attraper à son tour, et la pousser vers moi.
Le canot n°9 fut encore rempli pendant un certain temps, puis il fut mis à l’eau vers 1h30. Dès lors, le maître d’équipage Albert Haines mit tous les hommes à bord à contribution pour pagayer loin du lieu du drame. J’étais moi-même réquisitionné et ne put venir en aide au professeur qui gisait inconscient au sol. 200 mètres plus loin, nous entendions toujours les cris des passagers. Une première cheminée tomba, et aussitôt après, toute la lumière s’éteignit à bord, puis le Titanic se brisa en deux, nous laissant tous sans voix. La moitié avant fut engloutie, tandis que la poupe la suivit peu après.

Les heures qui suivirent furent effrayantes, et c’est avec les entrailles serrées d’effroi que nous dûmes affronter le vent glacial. Que penser de tous ces gens que l’on ne pouvait sauver ? De tous ces pauvres hères qui allaient mourir dans la mer gelée sans que l’on puisse rien faire ? Et que penser des êtres, ces « cultistes » qui ressemblaient plus à des créatures aquatiques qu’à des humains ? Risquaient-ils de revenir nous attaquer ici, au risque de tuer les rares survivants ?

Nous dûmes attendre dans l’obscurité durant un temps qui me parut interminable. Miss Evans resta là, prostrée dans son coin, sans rien dire tout le long de notre attente ; elle pensait certainement à sa cousine Victoria, à moins qu’il ne s’agisse de sa tante ? Je ne pouvais le dire. Quant au professeur, il gisait toujours au sol, inconscient. J’étais trop choqué pour véritablement m’occuper des autres passagers.

Et enfin, des lumières apparurent à l’horizon, le RMS Carpathia fut le premier à arriver sur les lieux. Mais s’il put sauver les occupants des canots, il ne trouva aucun survivant parmi les corps flottants. Nul ne semblait avoir survécu à la mer glacée. Nous avons été embarqués vers 6h15 du matin.

À bord du Carpathia, Miss Evans retrouva Victoria vivante et en bonne santé, à son plus grand soulagement. Quant à moi, j’appris avec tristesse que le Professeur Blackwell n’avait pas survécu à ses blessures. En revanche, je ne sus ce qu’il était advenu de Mrs Holmes et Watson — étrangement, j’en vins à penser à ma collection de Strand Magazines que j’avais apportée avec moi, et qui gisait à présent au fond de l’océan avec le reste de mes vêtements… Tout ce qui me restait était ce costume, dont la veste m’avait été donnée par feu mon professeur.

Au cours du voyage qui nous mena à New York, Miss Evans me remonta le moral en me montrant le sac de M. Blackwell. J’avoue qu’elle me surprit : après avoir réussi à planter le trident dans le corps du monstre qui la menaçait, elle avait réussi à remettre la main sur le sac que j’avais cru perdu par ma faute. Et celui-ci contenait, outre la statue que j’évitais soigneusement de regarder, le vieux carnet du professeur dont nous prîmes le temps de parcourir les grandes lignes ; apparemment, il avait participé à l’Expédition Alenbrock en Nouvelle Guinée, au début de l’année 1910. Sur une île perdue, ils avaient découvert un temple dédié à une monstrueuse divinité au sein d’une immonde religion. C’est là que fut trouvée la statuette. Hélas, cette découverte fut bientôt accompagnée d’un massacre. L’un après l’autre, les membres de l’expédition furent tués d’horrible façon. Un marin sur l’île, le professeur Alenbrock plus tard à Arkham, les savants Dexter Hillgrave à Providence et Willard ensuite, etc. Dans le but d’échapper à ses poursuivants invisibles, Blackwell avait parcouru le monde — Berlin, l’Égypte, Lyon, etc. La suite, je la connaissais, ses assaillants l’avaient retrouvé avant qu’il n’atteigne New York…

Notre arrivée à New York, justement, fut évidemment bien moins prestigieuse et grandiose que je ne l’avais rêvée. Ne portant en tout et pour tout que les seuls vêtements avec lesquels j’avais été sauvé, sans un sou en poche, je ne dus mon salut qu’à Miss Evans et sa famille new-yorkaise. Compte tenu des circonstances exceptionnelles, ces gens que je ne connaissais pas acceptèrent de m’héberger un temps…


Dernière édition par Chrysalid le Mar 3 Nov 2020 - 9:08, édité 3 fois
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MessageSujet: Re: [Cthulhu Chroniques 1912-1916] Découverte du mythe   [Cthulhu Chroniques 1912-1916] Découverte du mythe EmptyLun 26 Oct 2020 - 11:58

Un jour au cirque
Maîtrisé par Chrysalid (24/10/20)
Carmélina Baxter et John Verbringen – New York, Juillet 1912


C’était le jeudi 4 juillet 1912. Dans les rues de New York, la fête battait son plein. Entre le défilé, les trompettes, les matchs de base-ball, les barbecues entre voisins et autres activités en tous genres, tout le monde fêtait le Jour de l’Indépendance, ce moment historique où, en 1776, les États-Unis signèrent leur Déclaration d’Indépendance vis-à-vis de la Grande Bretagne.

Sur l’île de Manhattan, toutes les rues étaient envahies par la foule en liesse, à travers laquelle une jeune fille marchait, intimidée par cette agitation. Carmélina BAXTER n’avait que 15 ans (et demi !), et elle découvrait la grande ville avec les yeux d’une novice. Cela ne faisait que quelques semaines qu’elle était arrivée dans la plus grande ville d’Amérique, et chaque jour était pour elle source d’émerveillements. Ici, il se passait toujours quelque chose, contrairement à son Ohio natal où le temps semblait s’être arrêté.

Il était presque 18h00 et elle fut irrémédiablement attirée vers un secteur un peu plus calme que les rues bondées : Battery Park, tout au sud de l’île. Ici, les gens s’étaient installés sur des couvertures, d’autres se promenaient avec leurs enfant dont les petites mains étaient agrippées à des ballons colorés, et surtout, aucune voiture ni calèche ne traversait les chemins de terre. Cependant, une certaine agitation animait la pointe sud, où s’élevait le grand chapiteau du MAGIC FEARY CIRCUS. La jeune fille comprit qu’elle pourrait y trouver des animaux. Sans attendre, elle fendit la foule et alla voir ce que ce « cirque effrayant et magique » pouvait bien avoir à lui offrir. Elle fut plutôt surprise en découvrant un éléphant, le genre d’animal qu’elle n’avait jamais vu jusqu’alors. Puis un crocodile, un tigre, un lion, etc. Hélas, tous étaient enfermés dans des cages et affichaient des signes manifestes de malnutrition. Leurs côtes étaient visibles et ils semblaient passablement neurasthéniques. Plus loin, Carmélina aperçut une femme à peau de serpent enfermée dans une autre cage, qui la mit assez mal à l’aise. Comment une telle aberration fut-elle possible ? Elle vit aussi des sœurs siamoises rattachée par le bassin, et une femme à barbe dont la silhouette n’avait rien à envier avec celle d’un bûcheron. Sans compter l’homme-hippopothame, dont le crâne était aussi énorme qu’un tonneau. Ces horreurs donnèrent à la jeune fille une sensation de nausée persistante qui l’aurait volontiers fait fuir si elle n’avait été happée par le discours du directeur du cirque, ventripotent personnage à la verve facile juché sur un tonneau pour surplomber la foule. De fait, réajustant constamment son costume rouge fort reconnaissable et manipulant son haut-de-forme pour ponctuer chaque phrase, il commentait les animaux et les monstres humains, ces « freaks » qui fascinaient autant qu’ils horrifiaient. Il termina son discours en invitant les passants à revenir le lendemain, car une nouvelle attraction incroyable était sur le point d’être dévoilée au public !

Son discours terminé, la moitié de la foule se dispersa tandis que l’autre s’engouffra dans le grand chapiteau. Peu à peu, Carmélina se retrouva seule devant la cage du tigre dont elle pouvait littéralement compter les côtes. Et soudain, elle réalisa qu’elle n’était plus seule. En effet, un jeune homme, probablement à peine plus âgé qu’elle, venait de s’être imposé à son côté. Il lui adressa la parole, affichant un accent germanique et une voix en pleine mue, sans qu’elle n’ose répondre. Il insista un peu et une bribe de conversation s’engagea alors, au sujet de ce cirque effrayant et de la nouvelle attraction.
Le nouveau venu était vêtu d’un costume impeccable à la façon des gens riches que l’on croisait ici. Il se présenta sous le nom de John VERBRINGEN. La jeune fille ne comprenait pas trop ce que lui voulait ce jeune homme, si ce n’est discuter du cirque. Il parvint néanmoins à lui donner rendez-vous dès le lendemain à partir de 16h00 (heure à laquelle se terminait le service de la jeune fille) pour découvrir cette fameuse nouvelle attraction.

Le Vendredi 5 juillet donc, aux alentours de 16h30, Carmélina arriva sur Battery Park qu’elle trouva bien moins envahi par la foule que la veille. Par contre, il y avait du monde autour du cirque, comme elle s’y attendait. John était là, près de la roulotte du vendeur de cacahuètes, l’attendant. Au loin, ils virent le directeur raconter mille anecdotes dont certainement pas une n’était vraie. Mais les deux jeunes fendirent la foule jusqu’au premier rang, où ils purent apercevoir un énorme aquarium rempli d’eau, dans lequel s’ébattaient deux créatures comme nul n’en avait vu jusqu’alors. Les êtres avaient la taille d’un gros chien, et ressemblaient à s’y méprendre à des poissons, peau d’écailles et nageoires incluses, mais pourvues de bras et de jambes comme des humains. Leurs têtes étaient aussi grosses que des têtes d’homme, bien que leurs yeux n’affichaient aucune expression qui soit humainement compréhensible. Il s’agissait littéralement de la découverte d’une nouvelle espèce.
John, quant à lui, affichait toujours le même regard blasé qu’il n’avait cessé d’avoir jusque là. « Fake » dit-il en cherchant une fermeture éclair, une couture ou un quelconque accessoire, ainsi qu’il l’avait fait pour tous les « freaks ». Cependant, il dut admettre que ces nouveaux costumes étaient terriblement convaincants... mais pas forcément plus crédibles que les monstres de la veille.
Son échange avec Carmélina ne passa pas inaperçu, au point que le directeur du cirque, M. Anthony BORINALDI vint s’immiscer entre eux pour tenter de convaincre John que ces êtres étaient parfaitement authentiques. Le jeune homme finit par accepter d’assister à une démonstration de nourrissage : le temps de trouver un animal à leur donner à manger. D’un sourire arrogant, John sortit le chéquier. Puis tous se rendirent sous le chapiteau pour le spectacle...

Samedi 6 juillet au soir, une fois sa journée de femme de ménage terminée, Carmélina retrouva une nouvelle fois John à Battery Park, auprès du vendeur de cacahuètes. Ils passèrent la soirée à jouer à des jeux de tir et à se raconter leurs vies. Apparemment, le jeune dilettante était fils d’un riche investisseur au point qu’il semblait avoir des clés pour entrer partout. Et lorsque quelque chose lui était refusé, il sortait son chéquier pour régler la question. Carmélina, quant à elle, était issue d’une société bien plus primitive où elle avait vécu dans une ferme et côtoyé des animaux. Apparemment, tout les séparait. Toutefois, cette histoire de créatures étranges les intriguait tout autant l’un que l’autre — cela, en plus de leur jeune âge, semblait les avoir rapprochés bien plus que l’un et l’autre l’auraient volontiers reconnu. John se surprit même à soudoyer le propriétaire d’une roulotte de tir au fusil afin que la jeune fille remporte un ours en peluche au cours d’une épreuve.

Lorsque le spectacle du soir prit fin, et que la foule eut quitté les lieux, Carmélina et John trouvèrent un petit groupe d’hommes patientant dans les environs. Tous s’installèrent dans le grand chapiteau, et une équipe d’ouvriers du cirque vint pousser le gros aquarium au centre de l’arène : les deux créatures étaient là, nageant doucement en dévisageant les spectateurs. Le directeur fit alors venir un bouc, qui fut jeté dans l’aquarium. À peine la bête se trouva-t-elle en présence des créatures aquatiques qu’elle se fit littéralement démembrer, dépecer et déchiqueter vivante au point que l’eau rougie de sang en devint opaque. Si les investisseurs poussèrent des cris de surprise face à une telle violence, John parvint à conserver son sang-froid ; Carmélina, quant à elle, n’y vit rien de choquant, c’était là la loi de la nature qui s’exprimait. Toutefois, chacun ici présent comprit qu’il s’agissait de véritable bêtes, et non d’acteurs costumés.

En peu de temps, les investisseurs potentiels commencèrent à sortir les chéquiers et lancer des propositions. Celui qui parviendrait à un accord serait riche.

Pendant que les hommes d’affaires se lançaient dans des négociations, la jeune fille quitta le chapiteau. Dans l’obscurité, elle aperçut la cage du tigre qui lui avait fait tant de peine l’avant-veille. Elle s’approcha pour voir si elle pouvait faire quelque chose, et repéra une caisse ouverte à côté, dans lequel reposaient de lourds morceaux de viande. Intriguée, elle lui jeta deux épaisses tranches sur lesquelles il se jeta avidement. Et c’est là qu’elle aperçut le corps. Juste à côté de sa cage était étendu un homme inerte. John la rejoignit peu après, et tenta de savoir si l’inconnu était encore vivant, mais ses connaissances en médecine et en anatomie était si faibles qu’il ne sut s’y prendre. Il le fouilla néanmoins et trouva une petite clé. Puis il vint chercher M. Borinaldi qui, à son tour, constata le corps. Sans hésiter, celui-ci l’attrapa par les pieds et le tira dans la lumière : c’était Bartholomé « Barth » SWINGWEAVER, le vendeur qui leur avait fourni les créatures aquatiques ! Il théorisa rapidement sur le fait que le tigre, affamé, avait dû l’attraper et le tuer à travers les barreaux. Puis il quitta les lieux pour aller chercher un policeman.
John et Carmélina fouillèrent les environs de la scène de crime, et ils repérèrent rapidement des traces étranges — bipèdes mais non-humaines... Ils s’enfoncèrent tous deux dans les environs du cirque pour essayer de retrouver l’agresseur, mais ils se perdirent rapidement. Selon toutes probabilités, celui-ci venait de la mer, ou s’était enfui par là.

Lorsqu’ils revinrent au cirque, ils assistèrent, comme tous les employés du cirque, à une échauffourée entre le directeur et un homme inconnu, qui quitta les lieux en criant qu’il se vengerait.
Quelques policiers étaient en train d’étudier le corps, et il s’avéra très vite que les blessures qu’avait subi Barth n’étaient pas assez profondes pour être faîtes par un tigre : il avait été tué par quelque chose d’autre. Bien entendu, les créatures aquatiques leur vinrent aussitôt à l’esprit... sauf qu’elles n’avaient jamais quitté leur aquarium. Y aurait-il un troisième monstre dans les environs ?

Dimanche 7 juillet, John revint à Battery Park dès le matin tant cette affaire l’intriguait. Il eut la surprise d’y trouver Carmélina, qui avait été renvoyée de son travail cette nuit. En effet, son employeuse n’avait pas apprécié de la voir rentrer au beau milieu de la nuit, et lui avait intimé l’ordre de se trouver un autre travail car elle n’était pas convenable.
Quoi qu’il en soit, en attendant de se trouver une nouvelle situation, elle voulait participer à la résolution de cette enquête. Hélas, ils découvrirent que le cirque était à nouveau le théâtre d’une scène de crime : des policiers étaient en train de sortir un corps d’une roulotte : M. Borinaldi ! Aussitôt, John se lança dans une lourde diatribe, criant et pleurant aussi mal que possible « Oh Bartholomew, mon vieil ami, pourquoi toi ? », tout en se jetant sur la civière pour en arracher le drap (nul n’osa l’interrompre pour lui signaler qu’il s’était trompé de prénom). Hélas, un policier l’en empêcha. Cependant, il poursuivit ses envolées lyriques qui avaient l’avantage de détourner l’attention de Carmélina, qui en profita pour se glisser dans la roulotte. Hélas, elle n’y trouva que peu d’indices, si ce n’est une chaise renversée et du sang sur le sol.

Toute la journée durant, les deux jeunes tentèrent d’inspecter le cirque et d’interroger les employés, mais ils n’apprirent que peu de choses. D’une part, ils étaient tous effrayés à l’idée de se retrouver au chômage et ignoraient ce qui adviendrait du cirque. Ensuite, le nom de l’homme avec qui le directeur s’était disputé la veille était Smarty, l’acolyte de Barth, chasseur et vendeur d’animaux lui-même.
Quant aux gardiens, Georg et Eronfist qui surveillaient le cirque et l’aquarium, ils semblaient s’être endormis au moment des faits, ce qui ne leur arrivait jamais. John supposa qu’ils avaient été drogués pour l’occasion.

Lorsque la nuit tomba, John donna un chèque à l’homme fort du cirque pour qu’il aille se payer une nuit à l’hôtel à ses frais, l’idée étant que Carmélina et lui récupèrent sa roulotte durant la nuit. C’était le meilleur emplacement pour surveiller aussi bien la côte (derrière le chapiteau) et l’aquarium à barreaux des créatures. Hélas, une épaisse brume s’abattit sur Battery Park, réduisant profondément leur visibilité. John quitta la roulotte et ramassa une fourche. Aidé par Carmélina qui tenait la lanterne, il fit le tour de la cage, toujours gardée par Georg (l’autre dormait à cette heure). Peu à peu, tous réalisèrent que le sol était détrempé. L’eau commençait même à s’infiltrer dans leurs chaussures ! Qu’est-ce que cela voulait dire ? Le niveau de la mer avait-il monté ? Alors ils commencèrent à entendre des bruits de pas dans l’eau provenant presque partout autour d’eux, surtout depuis la mer. Comme si des êtres bipèdes en étaient sortis et s’approchaient d’eux à présent. Le vent se leva et commença à souffler violemment sur le camp. La brume fut chassée et des silhouettes apparurent dans l’obscurité, bien plus hautes que celles des deux créatures enfermées. Le vent se fit tempête, et des roulottes tombèrent. Le chapiteau fut déchiré, et de nombreuses pièces commencèrent à être emportées vers l’intérieur des terres. La tempête souffla enfin en rafale, et les deux jeunes durent s’accrocher à la cage pour ne pas être emportés eux-mêmes.
Quelque fut l’origine de ce phénomène météorologique, il n’avait pas grand chose de naturel. Une solution devait être trouvée pour l’interrompre. La seule qu’ils trouvèrent fut de libérer les bêtes, et de les renvoyer à leur peuple — car il devenait à présent évident que c’était leur peuple qui se manifestait là.
John se hissa jusqu’à l’entrée de la cage et l’ouvrit grâce à la clé trouvée sur le corps de Barth. Puis tous deux cassèrent la vitre épaisse en y jetant un poids. L’eau de l’aquarium se déversa sur eux, et la jeune fille se retrouva allongée sur le dos, complètement trempée, avec l’une des créatures à quatre pattes au-dessus d’elle, qui l’observait avec attention. Et avec un regard presque intelligent — la seconde créature s’enfuit sans demander son reste. Quand John vit la bête au-dessus de son amie, il tenta de la repousser d’un coup de fourche, mais celle-ci, agile, l’évita et s’enfuit dans les ombres.

Quelques instants plus tard, la tempête cessa, et la mer se retira. Quoi que ce fut, le phénomène s’était arrêté.

Autour d’eux, il ne restait rien du cirque. Il y avait quelques victimes, des animaux enfuis, et au milieu de toute cette débâcle, deux jeunes qui se demandaient ce qui venait de se passer...
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[Cthulhu Chroniques 1912-1916] Découverte du mythe Empty
MessageSujet: Re: [Cthulhu Chroniques 1912-1916] Découverte du mythe   [Cthulhu Chroniques 1912-1916] Découverte du mythe EmptyDim 6 Nov 2022 - 12:24

Qui est Gloria Adams ?
Scénario écrit et maîtrisé par Chrysalid le 05/11/22
Calvin Bradstone et Carmélina Baxter • Août 1912


L’été newyorkais était chaud, voire très chaud. Ça ne faisait que 4 mois que j’étais arrivé en Amérique, j’ignorais si c’était comme ça tous les ans.
Logeant dans le Manoir Evans depuis mon débarquement, j’avais dû trouver un travail pour me refaire une situation. Dans les premières semaines, j’avais sauté d’un job à l’autre, mais depuis quelques temps, je travaillais à la New York Central Library, un énorme bâtiment historique situé en face de Bryant Park. Les premiers jours, j’étais surtout là pour passer le balais. Puis on m’avait assigné un poste plus intéressant : je déambulais dans l’une des grandes salles de lecture avec un chariot pour récupérer les livres abandonnés par les étudiants.. Hélas, je devais composer avec mon supérieur, Elliot Hillston, qui surveillait tout le monde et ne se gênait pas pour reprendre le moindre geste qu’il estimait déplacé ou peu professionnel. Un « petit chef », en somme.
Or, un beau jour, je le surprenais au détour d’un rayonnage en train de parler avec une jeune femme qu’il avait l’air de connaître. Apparemment, celle-ci voulait un accès à un livre en particulier, accès qu’il ne pouvait lui accorder. Intrigué, je suivais la jeune femme lorsqu’elle quitta la salle de lecture… pour constater qu’elle ne se dirigeait pas vers la sortie. Au contraire, elle se rendit à une porte réservée aux archives sensibles, qu’elle tenta de crocheter ! Mais devant son échec, elle finit par quitter les lieux.
Plutôt intrigué par ce comportement que je jugeais assez peu respectueux – ne serait-ce que vis-à-vis de la confiance ou de l’amitié qui la liait à M. Hillston, je retournais à mon poste où je reprenais mon travail nonchalament. En passant devant mon responsable, je lui glissais sans subtilité que son amie avait eu bien du mal avec la porte des archives. L’air offusqué qu’il afficha alors me fit bien sourire.

Lorsque je quittais le bâtiment, en fin de journée, je croisais M. Hillston en pleine vocifération avec l’inconnue ; qu’à cela ne tienne, elle n’avait qu’à assumer ses actes à présent.

Par contre, je fus plutôt surpris lorsque je revis la même femme sur la route qui me menait au quartier où vivaient les Evans. Hasard, supposé-je, mais elle-même ne sembla pas partager mon avis. Lorsqu’elle me remarqua, elle se retourna avec colère et m’insulta presque, m’accusant de l’avoir dénoncée, et supposant que j’avais été envoyée à ses trousses par M. Hillston. Je la détrompais, lui expliquant que je vivais bien dans cette direction. Sans surprise, elle comprit que je n’étais pas d’ici, et même que je venais juste de débarquer. Je lui racontais que je venais de Londres et que j’espérais trouver ma voie ici, aux U.S.A. Elle se moqua presque de moi, mais son sourire s’effaça lorsque je lui avouais être arrivé par le Titanic. Je préférais être honnête avec elle : les choses ne s’étaient pas passées comme les journaux l’avaient prétendu. Je ne voulais pas commencer à mentir en omettant les monstres marins et l’horreur du naufrage ; à ma grande surprise, elle ne sembla pas plus étonnée que ça à la mention des monstres. Je lui parlais aussi de Londres, et elle fut même impressionnée lorsque je lui avouais avoir été un temps membre des Baker Street Irregulars et avoir côtoyé le fameux Sherlock Holmes… Finalement, elle me demanda de lui accorder une interview – elle souhaitait devenir journaliste. C’est là que je réalisais à quel point elle était jeune, peut-être à peu près mon âge, bien que ses vêtements lui donnaient un air plus âgé.
Elle me fit alors une proposition. Je l’accompagnais et pouvais alors gagner 10 $. Vendu !

Elle me mena jusqu’à un Dîner où elle travaillait comme serveuse. Elle m’offrit un sandwich en me demandant de rester jusqu’à la fermeture, où nous serions tranquilles pour discutter.
Mais les choses ne se déroulèrent pas comme prévu, car son patron, qui l’appela « Lina » et lui confia une livraison. Alors nous partîmes ensemble afin de discuter en route.

Nous arrivâmes à un hôtel et montâmes jusqu’à un étage où nous trouvâmes la porte de la chambre ouverte. Le client, un certain Jonathan Wheddon, était littéralement en train de mettre sa chambre à sac ! Lorsque nous lui apportâmes son repas, nous en profitâmes pour lui demander ce qui se passait, et il nous avoua avoir été cambriolé : une bague en diamant avait disparue. L’occasion était trop belle ! Moi qui souhaitait devenir détective comme mon mentor, et Lina qui voulait devenir journaliste, nous avions là une occasion de mettre nos talents respectifs à profit ! Je lui lançais un regard enthousiaste, qu’elle me renvoya avec un sourire ! Sans que nous ayons à échanger une parole, l’affaire était entendue.
Aussitôt, nous proposâmes nos services à M. Wheddon qui, devant notre jeune âge, nous demanda : « Enquêteurs du dimanche ? ». Je répondis « Oui » avec entrain, et il accepta, n’ayant de toutes façon, rien à perdre.
Nous fouillâmes la chambre tout en interrogeant notre client. Il avait lui-même mis la pièce dans cet état. À son arrivée, un peu plus tôt, il avait trouvée la pièce rangée comme toujours. Aucune trace d’effraction, si ce n’était l’absence de la bague, pourtant rangée dans une petite boîte, elle-même cachée dans la poche intérieure d’une veste dans le dressing. Il précisa qu’il y avait glissée un pétale. Les seules personnes ayant eu accès à l’endroit étaient son majordome Paxton Stewart et sa fiancée, la blonde et belle Gloria Adams. Lina trouva le pétale dont il avait parlé : quelqu’un était bien venu ici, et avait ouvert la boite. Quant à moi, je fus surpris de trouver un peigne où étaient entortillés des cheveux… bruns.
J’allais interroger les voisins, une vieille dame m’avoua avoir vu passer la fiancée et le majordome, sans compter la femme de ménage.

Comme Gloria Adams vivait dans une chambre un étage plus haut, nous nous y rendîmes avec M. Wheddon. Avec surprise, nous trouvâmes la pièce pratiquement vide. Tiroirs et armoires ne contenaient plus aucun vêtement. Une fouille méthodique nous permit de trouver un billet de théâtre datant de sa première sortie avec son fiancé. Un petit carnet de voyage détaillait ses différentes escales au cours de ces derniers mois, essentiellement le long de la côte est. Nous mîmes aussi la main sur un petit sac de cuir caché derrière une plinthe, et contenant des feuilles séchées, une fiole de poudre, une plume blanche et un ticket de caisse indiquant le nom du magasin émetteur : « La Fleur de la Montagne ». Apparemment, il s’agissait d’un commerce de Chinatown.
Avant de nous rendre sur place, je souhaitais jeter un œil à la fameuse poudre en fiole. Je la débouchais et tentais de capter son odeur tout en la gardant assez loin de mes narines…

…et je fus soudain pris d’un violent sentiment de désorientation. Lorsque je repris mes esprits, j’étais de retour dans la cale du Titanic. L’eau montait à mes molets et de monstrueuses créatures aquatiques s’agrippaient à moi. Plus loin, je voyais un autre combat : je savais que c’était Miss Evans aux prises avec un monstre du même acabit. Je me dégageais d’un coup de coude, mais au moment où je me retournais, je me retrouvais dans un couloir du navire. L’eau atteignait à présent mes genoux. En regardant des deux côtés, je constatais que le couloir s’étendait bien plus loin que ce que le Titanic ne pouvait contenir. Les monstres étaient là. Alors je m’enfuis jusqu’à une porte. Derrière celle-ci, je tombais sur un monstre aquatique en train de noyer Miss Evans ! Je frappais la bête et remontais la jeune femme en surface. Elle était lacérée et saignait, aussi je la hissais sur mes épaules et tentais de sortir de là. En un instant, j’étais sur le pont - comment étais-je arrivé là ? Je titubais jusqu’à la proue, mais celle-ci commençait à s’enfoncer dans les flots, alors je fis demi-tour. C’est là que je réalisais que Miss Evans n’était plus sur mes épaules. L’avais-je bien portée jusqu’ici ? L’avais-je seulement croisée dans les ponts inférieurs ? Ma mémoire me jouait des tours. Je commençais à remonter le long du navire en perdition. En fait, je me vis de l’extérieur en train de remonter le navire. Je me vis, enfant, me débattre sur le bâtiment, alors que j’étais moi-même déjà sur un canot de sauvetage. Qu’est-ce que tout cela voulait dire ?

Lorsque je repris conscience, j’étais allongé sur un canapé. Lina et M. Wheddon m’apprirent que j’étais resté inconscient un bon moment. Je leur interdit de toucher à cette fiole, elle était dangereuse ! En vérité, suite à ce qui venait de m’arriver, il était devenu important de se rendre à la fameuse boutique de Chinatown. Mais Lina me proposa de nous y rendre dès le lendemain matin. Après tout, j’avais besoin de repos.

Le lendemain donc, au matin du mardi 27 août 1912, nous descendions du tramway en plein Chinatown. C’était comme si nous avions changé de pays ! Les rues semblaient tout droit sorties d’un livre, les gens que nous croisions étaient d’un autre monde, quant aux décorations !…
Nous trouvions très vite la fameuse boutique où nous rencontrions Mme Chen Li. Contre quelques billets, elle nous raconta ce qu’elle savait de cette commande. Les feuilles, c’était juste du thé. La fiole par contre, contenait une poudre qui permettait de plonger dans les rêves, bons ou mauvais. Sans préparation, ils pouvaient effectivement virer au cauchemar. Au fil de la conversation, elle commença à se souvenir de la cliente qui la lui avait achetée en mars dernier : une mexicaine qui lui avait parlé d’une jeune sœur au Mexique, Maria. La cliente était alors accompagné d’un homme costaud, un chaperon ou un gardien avec un profil de gorille. Nous ne pûmes en apprendre plus.

De retour à l’hôtel, nous interrogeâmes le majordome mais il semblait totalement hors de cause. Très vite, nous lui posâmes des questions sur Gloria qui ne menèrent nulle part. Mais une nouvelle fouille de la chambre de la fiancée disparue nous permit de mettre la main sur des horaires de train. Or, l’adresse d’un hôtel proche semblait avoir été coché… Voilà notre nouvelle destination !

Bien entendu, rien ne nous avait préparé à arriver en pareil endroit. Les lieux étaient mal famés. L’accueil de l’hôtel sentait mauvais, et des brutes assises sur des fauteuils jouaient avec un couteau. En s’approchant du comptoir, Lina agrippa à mon bras et afficha un sourire un peu crispé en murmurant :
- Demandez une chambre pour une heure ou deux.
- Quoi ?
- Je reconnais ce genre d’endroit, faîtes ce que je dis !
J’obéis. Nous posâmes quelques billets devant l’homme qui nous donna la clé n°3.
Dans le couloir, nous vîmes une brute assise devant la porte de la chambre n°6 : voilà, nous avions retrouvé Gloria. Restait à savoir comment passer le gardien.

Lina m’expliqua que sans le moindre doute, c’était ici le repaire d’un gang où des prostituées, comment dire… « travaillaient ». Certes, d’où la « chambre pour une heure ». Nous attendîmes un petit quart d’heure, puis je me débraillais quelque peu, avant de sortir de la chambre, comme si nous avions « fait la chose ». Je traînais jusqu’à la fenêtre au fond du couloir pour y jeter un œil. Enfin, je me tournais vers le gorille pour lui demander une cigarette (c’était ma première, mais je parvenais à donner le change). J’en profitais pour lui poser des questions sur cet endroit. Il me confirma que des « poules » œuvraient ici, et me demanda où j’avais « ramassé » celle-là. Je répondis honnêtement qu’elle ne « travaillait » pas ; nous nous étions juste rencontrés et avons voulu trouver une chambre pour un petit moment. Mais à l’évidence, il ne me crut pas un instant et me conseilla de quitter les lieux, car le chef n’aime pas la concurrence. En outre, il m’apprit que la chambre qu’il gardait contenait « la poule du chef ».
Puis il me conseilla de « finir ce que j’avais à faire » puis de déguerpir. Soit, je retournais donc à la chambre n°3 pour faire mon rapport à Lina. Mais nous n’eûmes pas le temps de se dire grand chose car quelqu’un toqua à la porte : c’était le gorille. Il nous conseilla de quitter les lieux au plus vite car le chef serait là d’un instant à l’autre. Je le remerciais du conseil, puis nous quittions l’hôtel… pour nous rendre dans une ruelle voisine. De là, nous vîmes une grosse voiture se garer et un couple en sortir. Lui était mince, le costume hors de prix et la moustache arrogante ; Lina reconnut Stamos Stellard, un mafieux impitoyable et un passeur notoire. Quant à sa compagne, il s’agissait d’une latino à la silhouette magnifique, outrageusement mise en valeur par une robe des plus provocantes, certainement Gloria sans perruque blonde.

Lina et moi discutâmes de la marche à suivre, puis elle me rappela la poudre des rêves que nous avions conservée : très bonne idée ! Je m’emparais de la fiole et entrais dans l’hôtel. Tout en bloquant ma respiration, je répandais un peu de cette poudre autour de moi sous les regards interloqués du guichetier et des deux gorilles, puis je sortais. J’y retournais quelques instants plus tard : tout le monde était inconscient. J’allais voir Lina pour lui raconter, mais à ce moment, nous vîmes Stamos sortir dans la rue et faire un geste vers le bâtiment d’en face : y avait-il des gardes armés ? Je ne pouvais plus passer par la porte d’entrée.
Mais depuis la ruelle, je trouvais une petite fenêtre vers les cuisines, désertes à cette heure. Je pus alors entrer en toute discrétion. Je récupérais la clé n°3 à l’accueil et montais à l’étage. « Encore toi ! » s’exclama le gorille en m’apercevant, mais je jetais de la poudre dans sa direction avant de me planquer dans les escaliers. Je l’entendis tomber. Alors je courais vers la chambre n°3 et à cet instant, j’entendis le bruit d’une balle siffler auprès de mon oreille : on me tirait dessus ! Je me précipitais dans la chambre et répandais un peu de poudre devant la porte avant de me jeter derrière le lit. Lorsque la porte s’ouvrit il se passa quelques secondes avant que le nouveau venu ne tombe à son tour : c’était Stamos Stellard lui-même. Sans attendre une seconde de trop, je me précipitais dans la chambre 6 pour y trouver Gloria et sa jeune sœur Maria, 12 ans à peine.
Elle semblèrent effrayées par mon arrivée, aussi je dus leur expliquer en quelques mots que j’étais un détective employé par M. Wheddon pour retrouver sa fiancée disparue et le diamant volé. Gloria me pria de lui mentir pour ne pas l’impliquer davantage, ce qui le mettrait en danger s’il devait se retrouver confronté à Stamos. Quant au diamant, elle l’avait donné la veille à Stamos en échange de sa petite sœur.
Soit, Gloria me demandait de les laisser là, j’obéis. Je retournais à la chambre 3 pour fouille Stamos toujours inconscient : il avait bien la bague sur lui ! Je quittais alors l’étage, puis m’enfuis par les cuisines. Là, Lina me jeta un regard fou : pourquoi n’avais-je pas emmené les deux filles avec moi ? Je répondis qu’à priori elles ne risquaient rien, à priori le diamant avait été volé par un vulgaire voleur de passage qui n’avait rien à voir avec elles. Mais Lina me trouva bien naïf, m’expliquant que Stamos n’aurait aucune pitié pour elles.
Me mordant les lèvres, je retournais dans l’hôtel par les cuisines. À l’accueil, certains hommes commençaient à bouger, je devais faire vite. Je remontais à la chambre 6 et priais les deux femmes de m’accompagner. Elles n’étaient plus en sécurité ici. Je leur promis de les emmener quelque part où Stamos ne pourrait pas les retrouver. Elles discutèrent entre elles dans leur langue, puis finirent par me suivre.

Nous quittâmes l’hôtel mal famé par les ruelles, et rejoignîmes la petite chambre de bonne où logeait Lina, à quelques blocs de là.
Tout le reste de la journée, nous y demeurâmes cachés ; Lina et moi devrions tous deux justifier de notre absence le lendemain au travail. Mais nous en profitâmes pour discuter du destin des deux femmes. Lina pensait que nous devrions amener Wheddon ici même pour une rencontre sans perruque, sans mensonge, où toute la vérité serait dévoilée. J’étais d’accord.

Dès le lendemain, au petit matin, je me rendis à l’hôtel retrouver Jonathan Wheddon. Je lui donnais sa bague qu’il retrouva avec un soupir de soulagement, puis je lui demandais de m’accompagner. Il obéit et je le menais jusqu’à la chambre de Lina. Lorsqu’il arriva, la future journaliste et moi leur laissâmes la chambre pour s’expliquer.
Pendant ce temps, nous discutions de l’affaire, et la jeune femme m’avoua que son vrai prénom était « Carmélina ».

Lorsque Wheddon et les deux femmes partirent, il nous apprit qu’il les enverrait loin d’ici, sur la côte ouest où Stamos ne les retrouverait pas. Il nous donna une récompense substantielle et l’affaire, pour nous, se termina là.

La vie reprendrait à présent son rythme, Lina au Dîner et moi-même à la bibliothèque centrale. Mais nous avions à présent de nouveaux espoirs. Notre duo avait été plutôt efficace, alors qui sait, peut-être étions-nous vraiment destinés à devenir enquêteurs, chacun à notre façon ?…
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[Cthulhu Chroniques 1912-1916] Découverte du mythe Empty
MessageSujet: Re: [Cthulhu Chroniques 1912-1916] Découverte du mythe   [Cthulhu Chroniques 1912-1916] Découverte du mythe EmptyDim 6 Nov 2022 - 12:26

Les manteaux noirs
Scénario de Tristan Lhomme paru dans le magazine Casus Belli #79 (fév.-mars 1994)• maîtrisé par Sarlenn le 22/10/22
Calvin Bradstone, Amélya Evans et Gaston Lockhardt • Janvier 1913


Cela faisait plusieurs mois maintenant que je logeais dans la riche demeure de la famille Evans. Suite au naufrage du R.M.S. Titanic en avril dernier, et à la perte de toutes mes valises, je devais me refaire une situation. Je trouvais bien des emplois ici et là, des tâches en tous genres qu’un garçon des rues ne rechignais pas à exécuter, et peu à peu, je recommençais à rentrer des petits salaires. Mais à ce jour, je n’étais toujours pas rentré dans mes frais, et n’étais pas capable encore de me prendre un appartement. Aussi me retrouvais-je tous les soirs dans une petite chambre de bonne sous les toits du manoir Evans.
Bien qu’invité, je préférais éviter d’aller participer aux repas aux côtés des nantis. J’avais bien sûr accepté leurs invitations les premiers jours, par politesse et reconnaissance, mais la pitié que je lisais dans leurs yeux, alors justifiée par le naufrage et l’épreuve qu’Amélya et moi avions traversée, avait peu à peu laissé place à une condescendance, somme toute habituelle chez ces gens-là, la même qu’ils réservaient aux gens de ma condition. Peu à peu, j’avais trouvé mille prétextes pour ne plus me mêler à eux, et ils avaient fini par se déshabituer de moi.
À présent, je retrouvais parfois Miss Evans certains soirs dans des restaurants qu’elle connaissait, où nous discutions de choses qui ne convenaient pas aux grandes maisons. Bien entendu, nous revenions souvent sur les évènements d’avril 1912. Le naufrage. La statuette. Les créatures.

C’était un dimanche soir, au cours du mois de janvier 1913, l’hiver était particulièrement rude. Miss Evans et moi dînions « Chez François », un petit restaurant français où semblait se retrouver du beau monde. Pour l’occasion, j’avais revêtu le costume que m’avait confié feu mon professeur, n’ayant guère les moyens de m’en payer un nouveau qui n’aurait pas connu les affres de notre périple en mer.
Ce soir-là, Amélya me fit quelques confidences. Elle avait bien repris la peinture, comme à son habitude, mais elle ne reconnaissait plus son coup de pinceau. Depuis le naufrage, elle ne peignait plus que des choses sombres. Pire encore, il lui arrivait de laisser errer son esprit pendant qu’elle peignait. Et lorsqu’elle revenait à elle, elle réalisait que son pinceau avait esquissé des formes cauchemardesques, comme si sa main avait été mue par une volonté autre que la sienne durant un court instant.
Je me doutais qu’il n’avait pas été facile pour elle de me confier cela. Il était évident que n’importe quel autre interlocuteur l’aurait faite interner sur le champ. Mais après ce qu’elle et moi avions vécus, je savais qu’elle portait à présent les traces d’une ineffable rencontre. Aussi lui racontais-je ce que j’avais moi-même vécu ces derniers temps. Car oui, j’avais moi-même été témoin - ou victime - d’étranges visions.
Depuis quelques semaines, je travaillais dans une bibliothèque comme assistant. En clair, je passais ma journée à ranger les livres. Mais parfois, je prenais quelques instants pour ouvrir l’un de ces précieux grimoires porteurs de connaissance, afin d’apprendre quelque chose, ou de me plonger dans un récit durant un court instant, le temps d’échapper à la réalité. Mais même là, les cauchemars me rattrapaient. Combien de fois avais-je vu les mots se tordre sous mes yeux, et les phrases s’entortiller pour se changer en quelque chose qui m’était parfaitement étranger ? Le temps de me frotter les yeux, et tout était redevenu normal. Mais qu’est-ce qui était normal à présent ?
Que nous arrivait-il ? Était-ce la conséquence du naufrage sur nos esprits fragiles ? Est-ce que les créatures nous avaient fait quelque chose durant notre affrontement ? Était-ce dû à la proximité avec la statuette ?

Durant notre repas, j’avoue avoir peu prêté attention à mon entourage, si ce n’était pour m’assurer que nul ne nous écoutait. J’avais bien sûr remarqué le bellâtre à l’accent français à la table voisine et son interlocuteur âgé à la voix parcheminée. Mais comment aurais-je pu m’attendre à ce qui arriva ensuite ? Car lorsque le vieil homme se leva pour un prétexte auquel je ne prêtais pas attention, et qu’il passa derrière moi, jamais je ne me serais attendu à ce que ce parfait inconnu vienne se jeter sur moi pour m’étrangler avec une force et une sauvagerie que nul ne lui aurait soupçonnée !
Pendant un instant, tout autour de moi ne fut plus que bruit, fureur et douleur lancinante ! Amélya et le bellâtre se jetèrent sur lui pour le faire lâcher prise. J’entendis crier, il y eut quelques fracas de meubles et de vaisselle, mais il y eut surtout ces doigts enfoncés dans mon cou. Je me sentis vaciller, et soudain, j’eus l’impression qu’il m’attirait vers lui, comme pour… me mordre ? C’est à cet instant que Miss Evans et le bellâtre parvinrent à lui faire lâcher prise. Les doigts quittèrent mon cou, et je pus reprendre mon souffle ! D’un bond, je me levais pour retrouver le vieillard assis derrière moi, l’air penaud et désolé, comme s’il n’avait eu aucune maîtrise de ses actes.
Une fois que j’eus repris mon souffle, les policemen arrivèrent pour prendre la déposition de tout le monde. On me demanda si je voulais porter plainte, mais j’estimais que ça n’était pas nécessaire. Je voulais surtout savoir pourquoi. Mais le vieil homme, un avocat du nom de John Brenner, s’excusa mille fois et nous proposa de nous inviter à dîner un de ces soirs pour la peine. Il nous donna sa carte de visite en nous demandant de l’appeler ces prochains jours afin de fixer une date. Enfin, les policemen le ramenèrent chez lui.
C’est là que nous fîmes la connaissance de son voisin de table, lui-même étant tout aussi estomaqué que nous par ce qui venait de se passer. Le bellâtre s’appelait Gaston Lockhardt, et il semblait avoir une haute opinion de lui-même. Apparemment, il était comédien et jouait dans de grands films projetés dans les salles de cinéma. Bien que n’ayant jamais vu son visage, je peux jurer qu’il avait bien le profil d’une star - mâchoire carrée, costume impeccable, petite moustache arrogante… sans compter ce sourire prétentieux qu’il envoyait à tout le monde. À son tour, il nous donna ses coordonnées, et nous finîmes par nous quitter.

Dans les jours qui suivirent, chacun reprit sa routine, Amélya et Gaston leurs vies de château et moi mon travail à la bibliothèque. Autant dire que je n’avais guère le temps de batifoler ou de penser à organiser des dîners mondains. J’appris par la suite que M. Lockhardt s’était rendu chez M. Brenner le lundi qui suivit afin de prendre quelques nouvelles de lui, mais qu’il avait été éconduit avec une certaine rudesse par M. Williamson, le majordome. Ce dernier avait prétexté que son maître était « souffrant ».

Lorsque vint le vendredi, Miss Evans et moi téléphonions à M. Brenner pour fixer le fameux rendez-vous, mais nous fûmes à notre tour éconduits par le fameux majordome qui nous raconta que son maître était en voyage. Cette réponse nous surprit : le vieil homme nous avait donc oublié ? Intrigué, nous avons fini par appeler M. Lockhardt qui nous raconta sa tentative de lundi dernier. Finalement, nous décidâmes de tous nous rendre chez M. Brenner afin d’affronter ensemble le terrible majordome.

Sans surprise, Gaston arriva devant la maison Evans au volant d’une impressionnante voiture au moteur bruyant, et dont les chromes brillaient presque autant que le sourire de son chauffeur. Il nous mena au nord de New York, jusqu’à un manoir situé au sommet d’une colline. Là, nous rencontrâmes enfin le fameux Williamson qui semblait avoir autant de mépris pour moi et mon origine modeste que pour Gaston et Amélya malgré leur évidente fortune. L’échange ne fut évidemment pas des plus polis, et les accusations que nous lançâmes envers son maître ne l’émurent guère, au point qu’il ignora même nos menaces de mener tout cela en justice. Néanmoins, nous réussîmes à le convaincre de nous laisser voir Mme Brenner.
Mme Brenner était une femme d’un certain âge. Elle avait l’air fatiguée et ne semblait même pas surprise de notre visite. Elle nous avoua que son mari et elle ne partageaient absolument rien. Il avait déjà fait preuve de rudesse avec elle, et ne lui racontait ni sa vie, ni ses affaires. Aussi n’avait-elle que peu à nous raconter. Mais elle évoqua le fait qu’il avait déjà eu ce genre de crise dans le passé. Il avait mordu une servante comme il avait failli s’en prendre à moi dimanche dernier, et avait été un temps soigné par le docteur Frederic Hicks dans une maison de repos, dont elle nous donna l’adresse.

En partant, nous eûmes un rapide échange avec l’une des servantes qui, émue par le « charme » de M. Lockhardt, accepta de nous donner rendez-vous pour parler de l’affaire - à l’évidence, elle ne pouvait pas nous parler devant le majordome.
De fait, le lendemain, nous nous rendîmes tous trois dans un pub à l’ambiance enjouée, où les gens savaient rire et s’amuser. Certes, j’y avais bien plus ma place que mes deux comparses, et je n’eus aucun mal à fendre la foule pour nous installer auprès des deux servantes que nous trouvâmes attablées là. Elles nous confirmèrent que M. Brenner et sa femme avaient des rapports assez conflictuels, et que même avec sa « bonne amie », les échanges n’étaient pas toujours meilleurs. Elles le décrivirent comme renfermé et colérique. Gaston, qui pourtant fréquentait l’avocat depuis deux ans, sembla surpris de ces révélations. Leurs relations étant jusque là purement professionnelles, il n’aurait jamais soupçonné de tels égarements de sa part.
La seconde servante parla d’une rencontre à laquelle elle avait assistée brièvement et qui avait eu lieu quelques semaines plus tôt. M. Brenner avait eut une grande discussion avec « un jaune » effrayant, une sorte de « Fu Manchu », dit-elle, bien que je ne compris pas la référence. Elle pensait à une sorte de gantster. Elles nous parlèrent aussi de l’autre servante, celle qui avait été mordue par M. Brenner. Elle avait été hospitalisée quelques temps, puis était partie pour Boston ensuite.

Plus nous obtenions des réponses, et plus le mystère s’épaississait. Bien que j’avais du mal à accepter l’égo envahissant du richissime comédien français Gaston Lockhardt, je compris vite que je devrais supporter ce triste sire encore un certain temps, du moins le temps de l’enquête…
***
À ce stade de l’enquête, nous n’avions qu’une piste à suivre, aussi le lendemain dans l’après-midi, toujours à bord du bolide de M. Lockhardt, nous traversâmes la lande autour de New York pour atteindre, après une heure de route, une plaine embrumée envahie par un silence inquiétant. C’est là que nous découvrîmes l’institut. C’était sensé être une maison de repos, mais nous trouvâmes l’endroit plus stressant qu’autre chose.

Lorsque nous nous présentâmes à l’entrée, nous fûmes accueillis par un assistant qui nous apprit l’absence du docteur Hicks – en effet, le dimanche, celui-ci était de repos. Mais il nous redirigea vers le docteur Michaël. Au premier abord, ce dernier refusa de nous donner des informations, après tout, nous n’étions pas de la famille du patient. Mais après un petit échange au cours duquel nous lui rappelâmes les possibles retombées que le cas de John Brenner pourraient avoir sur l’institut si l’affaire venait à être rendue publique, il finit par accepter de nous parler de lui.
De prime abord, il nous confirma que Brenner était bien ici, dans les locaux de l’institut. Il y avait été interné suite à sa rechute récente. Il nous mena à sa « chambre » où je fus le seul à accepter de jeter un œil à travers le judas. Je le trouvais entravé sur son lit, l’œil vitreux et les traits tirés. Il avait la bave aux lèvres et fixait les murs d’un air hagard. Il marmonnait quelque chose que je ne compris pas, étant trop absorbé par son aspect si éloigné du riche notable que j’avais aperçu une semaine plus tôt. Mais Amélya, qui écoutait de toutes ses oreilles, comprit des mots comme « dormir », « la porte noire », et autres élucubrations diverses. Elle crut aussi distinguer le nom de « Federal Street », ou quelque chose comme ça.
Le docteur Michaël nous apprit que John Brenner était incapable de trouver le sommeil ; c’était la conséquence d’une trop grande dépendance à une drogue dure. Mais c’est là que le mystère était total : malgré leurs analyses, les docteurs n’avaient pas été capables de déterminer à quelle drogue il avait été soumis.

Le lendemain lundi, je retournais travailler comme tous les jours à la bibliothèque. Mais depuis quelques semaines, je n’étais plus affecté au rangement des livres. À présent je travaillais au classement et à la gestion des cartes d’informations sur les livres.
Dans l’après-midi, je vis arriver Miss Evans à qui j’indiquais la direction de la salle des cartes. De fait, elle n’eut aucun mal à repérer l’emplacement de Federal Street, en marge de Chinatown.
Le soir même, lorsque je quittais mon service, je rtentrais au Manoir Evans où Gaston devait passer nous prendre. Mais tandis qu’il demandait à voir Amélya pour l’emmener voir l’un de ses films, la requête lui fut refusée. Au mieux, on lui imposa la présence de Miss Annah comme chaperon. Amélya demanda à ce que je les accompagne si cela pouvait rassurer sa famille, mais sa tante demeura inflexible : avec ou sans moi, Amélya ne sortirait pas sans Annah.

Qu’à cela ne tienne, nous prîmes donc tous les quatre la voiture jusqu’à un cinéma. Pendant la première heure du film, je n’eus d’autre choix que de supporter mille variantes du sourire de Gaston sur grand écran, dont la superbe parvenait même à éclipser la jeune première. Finalement, au beau milieu de l’action, nous profitâmes d’un moment où Miss Annah étant profondément absorbée pour lui fausser compagnie ! En douce, nous rejoignîmes la voiture et prîmes aussitôt la route de Federal Street. En cours de route, Gaston se débarrassa de ses vêtements voyants et se para d’habits plus rustiques, un peu à mon image, afin de passer un peu plus inaperçu lorsque nous arriverions à destination.

Nous fûmes surpris d’arriver dans une rue déserte aux immeubles vides et aux vitres brisées. Ici, tout n’était que ruines et ombres inquiétantes. En marchant le long du trottoir, l’œil et l’oreille aux aguets, nous finîmes par repérer un bâtiment doté d’une imposante porte noire. Celui-ci n’avait qu’un étage, et ne semblait afficher aucun signe distinctif : c’était là !
Avec prudence, nous approchâmes en vue de crocheter une serrure, mais ladite porte en était totalement dépourvue. Sur la gauche, je repérais un mince filet de lumière s’échappant d’un volet. J’y repérais un salon, mais il n’y avait aucun genre d’activité.

Et soudain, nous entendîmes le claquement des talons d’une femme s’approchant dans la nuit. Amélya et moi demeurions dans l’ombre du jardinet, mais Gaston resta à l’entrée, visible. L’inconnue ne lui jeta pas un regard, mais elle se rendit à la porte noire où elle frappa plusieurs coups. Et quelqu’un lui ouvrit ! Elle disparut dans l’ombre, et la porte se referma.
Gaston nous fit signe de nous approcher en nous gratifiant d’un de ces sourires suffisants dont il avait le secret, puis il toqua à son tour, utilisant exactement le même rythme que l’inconnue avant lui. Et la porte s’ouvrit. Nous nous retrouvâmes face à une sorte de garde du corps aussi large que haut. Il nous toisa de toute sa hauteur quelques secondes avant de nous faire signe de le suivre. Gaston s’avança d’un pas sûr, toujours égal à lui-même. Quant à moi, je devais tenir Miss Evans avec fermeté car je la sentais trembler. Elle était terrorisée par la situation, mais si nous voulions conserver un minimum de crédibilité, il fallait tenir bon.
Le gorille nous mena aux cuisines après un couloir. Et de là, on nous dirigea vers des sous-sols. Là, nous fûmes vite agressés par des odeurs acres flottant dans l’air. Diverses alcôves abritaient des gens allongés qui fumaient des substances à l’évidence peu recommandées. Un individu vint nous apporter une sorte de pipe de métal en demandant 50 $ chacun, que Gaston paya sans hésiter. Et pendant les deux heures qui suivirent, nous fîmes semblant de fumer, de prendre quelque repos, et de sombrer lentement dans un état second. Ce faisant, nous observâmes les alentours. Avec surprise, nous remarquâmes la présence d’une chanteuse connue, d’un député et d’un homme politique. De toute évidence, cet endroit était connu de la haute société.

Nous faisions tout pour ne pas nous faire remarquer. Hélas, même si nous ne fumions pas, les effluves qui emplissaient l’endroit nous firent planer quelque peu malgré nous. Amélya, quant à elle, n’eut guère à faire semblant. Car son teint vira au vert et elle commença à se sentir mal. Finalement, après un temps trop long, nous décidâmes de quitter les lieux, non sans avoir récupéré le contenu de la pipe pour une analyse ultérieure.

Hélas, un problème apparut, et pas des moindres ! Comment faire pour ramener Amélya à sa famille et quelles explications donner ? Après tout, nous avions faussé compagnie à son chaperon, l’avions emmenée fumer des choses illicites, et la ramenions bien plus tard que prévu ! En nous garant à deux rues de sa maison, nous remarquâmes que toutes les fenêtres étaient éclairées. En outre, une forte présence policière semblait avoir envahie les lieux.
Dès lors, nous échafaudâmes mille plan et cherchâmes mille solutions qui pourraient éviter à Amélya de finir dans un couvent et moi d’être banni de New York. Même Gaston risquait de perdre sa brillante carrière si l’affaire venait à être rendue publique ! Prétendre à un accident ? Jouer la nonchalance « façon Gaston » qui voulait juste s’amuser ? Le mensonge le plus abouti aurait été de prétendre que Gaston avait apprit l’existence de cet endroit « où s’amusaient les riches » grâce à la chanteuse aperçue plus tôt, et il avait voulu y amener ses amis, bien qu’il ignorait à quoi s’attendre. Pour ma part, j’aurais privilégié une approche un peu plus légale en allant directement au commissariat pour leur dévoiler toute l’affaire. Après tout, si une drogue inconnue pouvait changer un avocat en cannibale décérébré, il fallait absolument prévenir les autorités ! Le risque de propagation était réel !

Finalement, plutôt que de prendre une décision à la va-vite, je leur parlais de ma nouvelle amie Lina Baxter, une jeune serveuse se destinant à une carrière de journaliste. Elle pourrait au moins nous garder la dose de drogue que j’avais subtilisée, le temps qu’on se tire d’affaire. Après tout, elle n’était pas liée à l’affaire, et serait au-dessus de tout soupçon.

Très vite, nous quittâmes le quartier de la famille Evans pour nous rendre dans un district un peu plus populaire. Là, Lina nous accueillit tous les trois malgré l’heure tardive (après tout, il devait bien être 2 h du matin). Nous lui racontâmes en quelques mots la situation dans laquelle nous nous trouvions. Elle nous permit de nous laver, aida Amélya à se remettre quelque peu, et ensemble, nous réfléchîmes à une solution qui permettrait de diminuer la colère de la famille Evans, sans pour autant nous empêcher de poursuivre l’enquête…
***
Tandis que nous conversions sur l’affaire, parfois avec une certaine agitation, je dois bien l’avouer, il arriva un évènement auquel je ne m’attendais pas : la porte du fond s’ouvrit, et une jeune femme qui m’était parfaitement inconnue apparut alors, vêtue d’une robe de nuit et complètement échevelée. Lina nous présenta alors sa colocataire, Marla Durden, une universitaire qui partageait le loyer avec elle depuis quelques semaines. J’avoue que cette apparition me contraria quelque peu ; en effet, l’affaire était déjà compliquée, je n’étais pas certain qu’il soit judicieux d’y mêler une inconnue. Mais bon, elle était là, elle avait déjà entendu l’essentiel de notre conversation, elle était donc impliquée, que je le veuille ou non.
Nous lui expliquâmes l’affaire, et elle nous avoua avoir quelques connaissances qui seraient capables d’analyser la substance que nous avions ramenée de la fumerie – nous séparâmes la drogue volée en 3 sections, dont une fut confié à Marla. En parallèle, Amélya avait plongé dans une profonde dépression, elle craignait la colère de sa famille. Quant à moi, je restais sur mes positions : nous devions nous rendre à la police au plus vite pour leur signaler ce qui se cachait au 212, Federal Street. Quant à Gaston, bien que partagé au début, il finit par se ranger à ma suggestion – à ma grande surprise d’ailleurs. Ainsi fut fait. Nous prîmes donc sa rutilante voiture pour nous rendre au commissariat du quartier où logeaient les Evans. Marla nous accompagna, intriguée par l’affaire, bien qu’elle préféra rester dans la voiture tandis que nous entrions dans le bâtiment infesté de policemen. Dans quel guet-apens nous fourrions-nous ?
Dès l’instant où nous nous présentâmes à l’accueil, le regard du représentant des forces de l’ordre me fit comprendre qu’il savait pertinemment qui nous étions. Certes, nous avions une déposition à faire, mais il ne semblait pas s’y intéresser du tout. Pour lui, seule une chose importait : nous étions à l’origine d’un signalement pour enlèvement qui s’était étendu à toute la ville ! Enlèvement ? Cette révélation nous fit l’effet d’une bombe. Très vite, on nous sépara et nous fûmes tous interrogés séparément. Fort heureusement, nous avions accordé nos versions avant de venir, et nous pûmes ainsi raconter que, sous l’impulsion du moment, nous avions fui le cinéma et le chaperon de Miss Evans pour « nous amuser un peu ». En effet, M. Lockhardt avait entendu parler d’un endroit où les gens du monde se rendaient parfois pour se changer les idées. À la vérité, nous ignorions tout de l’endroit que nous avons découvert alors. Une… fumerie d’opium ? Un peu terrifiés par ces chinois armés qui rôdaient partout, nous avions décidé d’y rester un moment, ne serait-ce que pour ne pas attirer l’attention sur nous. Mais les effluves finirent par avoir raison de Miss Evans qui se sentit mal ; nous quittâmes l’endroit. Le temps de lui donner quelque chose à manger et de l’aider à se remettre de ses émotions, et nous étions en route pour le commissariat. Afin d’étayer nos récits, nous leur cédâmes une portion de la drogue.
Hélas, ce récit ne fut d’aucun poids. Le policeman insista sur la gravité de la situation dans laquelle nous nous étions mis, d’une part vis-à-vis de Miss Evans et de sa puissante famille, d’autre part vis-à-vis d’une enquête en cours concernant les fumeries de la ville ; pour ma part, je ne comprenais pas cette insistance, nous avions une enquête à reprendre au plus vite, tout cela n’était que perte de temps ! Mais en vérité, lorsqu’ils remarquèrent que mon nom était déjà apparu une semaine plus tôt suite à mon agression par M. Brenner au restaurant français, j’avouais que nous avions été à l’institut dimanche pour prendre de ses nouvelles. C’est là que le policeman nous avoua la disparition de celui-ci ! Pardon ?
Certes, notre situation se compliquait : entre la disparition de M. Brenner et l’enlèvement de Miss Evans, nous aurions pu finir en prison sans autre forme de procès !

Néanmoins, la police mit cet épisode sur le compte de la naïveté de notre jeunesse, et à notre grande surprise, nous fûmes libérés. Mais en sortant du bâtiment, on nous apprit que la famille Evans avait déjà récupéré Amélya – je n’ose imaginer le sort terrible qui l’attendrait ces prochaines heures et ces prochains jours. En outre, on me donna une valise : elle contenait toutes mes affaires qui, jusque-là, étaient rangées dans ma chambre de bonne, chez les Evans. Le message était clair, j’étais expulsé de leur demeure, et n’avait plus le droit d’approcher la jeune femme.

Quelque peu déconfits par la tournure des évènements, nous déposâmes Marla chez elle après lui avoir raconté « l’entrevue ». Ensuite, Gaston me mena à sa grande demeure où il me proposa de loger dans une chambre d’amis. Cette sollicitude me surprit de sa part. Mais eu égard aux évènements récents, je n’avais guère le choix.

Après une nuit trop courte, je retournais à la bibliothèque pour une journée de travail particulièrement difficile. N’ayant eu que peu d’heures de sommeil, j’errais toute la journée tel un zombie, incapable de concentrer mes pensées suffisamment pour opérer un travail efficace. Mais lorsqu’arriva 17h, je fus plus que reconnaissant de voir Gaston qui était venu me récupérer à bord de son bolide.

Une fois chez lui, nous discutâmes de la suite des évènements. D’une part, il était impossible de récupérer Miss Evans, nous devions donc poursuivre l’enquête sans elle. D’autre part, nous n’avions guère de piste. Retourner à l’institut ? Un simple coup de téléphone au docteur Hicks nous permit d’apprendre que Brenner avait agressé un soignant avant de s’enfuir par la forêt. Une seule certitude, il était revenu vers la ville. Mais pour le retrouver…
Ensuite, Gaston appela Mme Brenner, mais elle ne put rien nous apprendre. Elle ne savait rien de son mari, et en vérité, ne voulait rien savoir.

Une option aurait été de retourner à la fumerie, mais notre première visite nous avait mis dans la collimateur de la police, aussi hésitais-je vraiment à y retourner.

Peu après, le téléphone sonna. Gaston décrocha, mais finit par raccrocher en prétextant un faux numéro.

Dans la soirée, quelqu’un toqua à la porte. À notre grande surprise, nous fîmes face à deux policemen ! Ceux-ci nous apprirent qu’Amelya Evans s’était enfuie ! DÉCIDÉMENT ! Je n’en revenais pas. Cela n’en finirait donc jamais ? C’est presque avec nervosité que je me gaussait de la situation en trinquant avec Gaston malgré l’attitude menaçante des forces de l’ordre. Ils prirent une bonne demi-heure pour fouiller la demeure de M. Lockhardt avant de repartir, bredouilles.

Mais la soirée était loin d’être terminée. Quelle surprise lorsque Marla Durden débarqua en personne à l’entrée de la villa, un fusil à la main ! C’était elle qui avait appelé un peu plus tôt, mais son attitude de suffragette agressive se mariait assez mal avec le caractère profondément machiste de Gaston. Je n’avais aucun doute quant au fait que ces deux-là finiraient par nous causer des ennuis à l’avenir. Peut-être était-ce déjà le cas en vérité. Car Marla nous apprit plusieurs choses.
D’une part, elle avait bien fait analyser l’échantillon que nous lui avions confié la veille. Ça n’était rien moins que de l’opium. De très bonne qualité certes, mais rien de plus. Cette réponse nous déçut profondément. Tous ces sacrifices pour rien ?
Ensuite, Marla nous raconta qu’en journée, elle s’était rendue au manoir Evans, où elle avait aidé Amélya… à s’enfuir ! En effet, scandalisée par le destin de femme soumise qui attendait la jeune femme, Marla avait pris la décision de lui proposer une autre alternative : celle de fuir cette vie et de prendre sa vie en main.
Je n’en croyais pas mes oreilles ! Mais Marla se rendait-elle compte de ce que son attitude irresponsable allait provoquer ? D’une part, elle lâchait Amelya dans la nature, une Amelya sans expérience de la vie, qui n’avait appris aucun métier ! Ce faisant, la jeune héritière perdrait son héritage, sa fortune, ses biens, en échange d’une vie à patauger dans la boue ? Mais RIEN ne l’avait préparée à cela ! Pour l’heure, Amelya était avec Carmelina qui s’occupait de lui refaire une beauté.
En outre, il y avait autre chose qui m’effrayait : si les policemen nous avaient mis sous surveillance, alors il n’auraient pas manqué de remarquer l’arrivée de Marla, que nous n’avions pas citée lors de notre audition. Il leur suffirait de la suivre pour trouver où Amélya avait été cachée ! Cette petite visite nous mettait en danger tous les 5 ! Mais j’avais beau lui reprocher cela, elle se contentait de rétorquer qu’Amélya méritait mieux qu’une vie de servitude, et que nous n’avions rien à dire à ce sujet. La conversation tourna vite en rond, elle ne répondait même pas à mes arguments ; je crois que c’est à ce moment que je compris alors le sens du mot suffragette. En vérité, quoi que je dise, je n’aurais jamais raison. Comme si elle cherchait le conflit par la provocation, mon seul véritable tort étant d’être un homme.

Soit. La conversation s’arrêta là. Après tout, si Amelya avait fait son choix, elle devrait l’assumer désormais, cela ne relevait ni de nos compétences, ni de nos responsabilités. Quant à la police, s’ils nous tombaient dessus, tant pis, nous devrions assumer nos actes.

Néanmoins, pour revenir à l’affaire, il ne nous restait qu’une seule chose à faire si nous espérions retrouver M. Brenner : retourner à la fumerie, ce que nous fîmes malgré toutes mes réserves.
Gaston et moi nous y rendîmes en premier une fois la nuit tombée. En jetant un œil dans la ruelle, je repérais un soupirail avec de la lumière : Eurêka ! Brenner était là ! Il semblait en transe, comme soumis à une puissante drogue. Je repérais aussi une porte au fond et une bouche d’égouts à ses pieds. Restait à trouver comment le sortir de là.
Nous entrâmes comme la première fois et fûmes conduits par un garde du corps à travers le couloir d’entrée. Mais de loin, nous vîmes deux hommes en veste noire avec un chapeau sur la tête entrer dans le bureau d’un vieux chinois. Intrigués, nous tentâmes de percevoir des bribes de conversation – Gaston s’arrêta devant la porte pour refaire son lacet, ce qui me laissa le temps de repérer quelques phrases. Le vieux chinois s’appelait Monsieur Weng. Ses interlocuteurs lui parlèrent de quelqu’un qu’ils devraient amener à Revolution Hill d’ici 24h. Ils parlaient certainement de Brenner. Le lacet resserré, nous fûmes menés au sous-sol par les sbires. Mais c’est alors que Marla et Amelya arrivèrent à leur tour. En croisant les mystérieux hommes en veste noire dans le couloir, Marla feignit de trébucher pour retirer son chapeau à l’un d’entre eux. Elle tomba alors au sol, chapeau à la main, dévoilant par la même occasion le physique effrayant de l’inconnu : celui-ci avait un visage émacié, le teint grisâtre et sentait la mort. Ses lèvres tendues dévoilaient des canines proéminentes, et sa peau évoquait plus celle d’un mort que d’un vivant ! Poussant un cri de surprise, le mort s’enfuit dans les couloirs de la fumerie, aussitôt suivi par son comparse. Les deux êtres nous dépassèrent, effrayant même les gardes ! Sans demander mon reste, je les pris en chasse ! Ils se ruèrent dans la cellule de Brenner, et s’enfuirent avec lui par les égouts. Je sautais après eux, bien décidé à ne pas les lâcher ! Mais je perdis leurs traces dans les couloirs humides sous la ville.

Avec Gaston, nous remontâmes par une autre plaque qui donnait sur une rue voisine. Là, Marla et Amelya, que je ne reconnus pas avec ses cheveux noirs et courts et sa tenue civile, nous rejoignirent. Très vite, on se donna rendez-vous à Revolution Hill, situé à peu de distance.

La nuit était noire lorsque Gaston gara son bolide devant les murs du cimetière de Revolution Hill. Nous y entrâmes, un peu effrayés je l’avoue, avant de repérer des silhouettes inquiétantes un peu plus loin. Lorsque Marla et Amelya nous rejoignirent, nous avançâmes dans les allées, et fûmes soudain encerclés par des morts-vivants ! Des silhouettes décharnées et titubantes se dévoilèrent ici et là, mains tendues dans notre direction avec l’évidente intention de nous attaquer ! Sans attendre, nous tirâmes quelques balles de pistolet et de fusil en direction du monstre le plus proche, mais c’est à peine s’il tituba !
Et puis soudain, celui-ci émit un son gluant : « Non »… Ces choses parlaient ?? Nous cessâmes le tir. Dans le silence effrayant qui suivit, la créature émit d’autres sons qui ressemblaient à des mots, des phrases. L’être nous fit alors comprendre que Brenner leur appartenait. Il était en train de devenir comme eux, et n’avait plus sa place parmi les « vivants ». De plus, drogué au dernier degré, il avait choisi la transformation. Il n’y avait pas de retour possible.

Nous comprimes alors que nous ne pourrions pas le retrouver. Et quand bien même, que faire de lui s’il était destiné à devenir l’une de ces choses ?

J’essayais de converser avec le monstre, mais il se contenta de me proposer de les rejoindre à mon tour. Il fit la même proposition à mes compagnons. Seule Marla sembla intéressée par cette idée. Mais elle déclina néanmoins. Finalement, nous pûmes quitter le cimetière vivants et en bonne santé. Nous savions ce qui était advenu de Brenner, mais ne pourrions le raconter à personne. Pas même à sa femme.

Finalement, chacun d’entre nous retourna à ses pénates, avec de nouveaux cauchemars à ajouter à nos nuits…

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